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« Monsieur Vandenbroucke, cette fois c'est NON ! » (Dr Gilbert Bejjani dans Le spécialiste) [

« Monsieur Vandenbroucke, cette fois c'est NON ! » (Dr Gilbert Bejjani dans Le spécialiste) [

Le Dr Gilbert Bejjani, président de l’ABSyM Bruxelles, interpelle le ministre de la Santé au sujet de son projet de loi-cadre. Il dénonce un manque de concertation et des mesures mal formulées, qui risquent selon lui de déstabiliser le système de soins. Tout en reconnaissant la nécessité de réformes, il appelle à un véritable dialogue avec les acteurs de terrain

2025-06-13

La tension entre les médecins et le ministre de la Santé est à son comble depuis quelques jours. Son projet de loi-cadre attise la colère : suppression du conventionnement partiel, retrait des numéros Inami, plafonnement des suppléments d’honoraires... Pour le Dr Gilbert Bejjani, président de l’ABSyM Bruxelles, « ce projet de loi-cadre a provoqué un tollé au niveau des médecins. Ils s’expriment via des contestations, des pétitions et un climat d’émeute sur tous les réseaux sociaux. Aujourd’hui, nous sommes face à deux problèmes fondamentaux : la méthode du ministre et l'adéquation des mesures par rapport au contexte et à leur perception. »

Pour le Dr Bejjani, la perception du message est un problème : « La formulation du ministre n’est pas la bonne. Elle est dangereuse et peut mener réellement à une grève non seulement des médecins, mais aussi des hôpitaux. C’est d’autant plus dommage que certaines de ses intentions auraient pu mener à de meilleures discussions. »

Il insiste sur un autre aspect : « Dans ce dossier, tous les acteurs doivent comprendre qu’il existe un temps politique, un temps juridique et le temps de la concertation. Privilégions la concertation pour commencer. Aujourd’hui, il y a une certaine disproportion entre les mesures proposées et d'autres mesures qui existent déjà. À cela s’ajoute une méthode où le ministre met la charrue avant les bœufs. »

 

L’existence de la profession du médecin et de sa liberté

Le plus important : le débat sur le retrait des numéros Inami : « Il existe aujourd’hui tout un arsenal juridique et administratif (entre la commission qualité des soins, qui peut retirer le visa pour des problèmes d'aptitude, de non-respect de la qualité et bientôt pour non-respect des droits du patient), mais aussi l’Ordre des médecins qui agit au niveau de la déontologie et qui peut radier un médecin. Cette nouvelle mesure mériterait une clarification de la part du ministre : pourquoi mettre quelque chose en plus ? Visiblement, il y a un problème de communication. Je pense qu’il a mal formulé son intention. Cela touche à l’existence même du médecin et c’est juste inacceptable ! »

 

La question des suppléments l’interpelle aussi. « Je rappelle quand même que les suppléments des médecins représentent moins de 2 milliards et cela reste marginal par rapport à l’out-of-the-pocket des patients (jusqu’à 15 milliards). On s’attaque donc à une partie, on stigmatise et on risque l’effondrement des soins de santé. L’équilibre est fragile. Le système est mauvais mais a survécu grâce à des équilibres très fragiles, avec des systèmes de compensation soit par le volume de l'activité, des remboursements partiels ou des suppléments, ainsi que les prélèvements sur les honoraires dans les hôpitaux, ou des mécanismes de solidarité. Ce système doit changer parce qu'il est vraiment médiocre. Il y a déjà trop de disparités entre médecins, nous en sommes conscients et le changement, les réformes, sont inévitables. Pour cela, nous insistons : les réformes en cours doivent aboutir avant toute modification des règles du jeu. Le ministre veut réglementer la liberté tarifaire, mais cela ne peut se faire que quand on aura des honoraires purs, un financement clair et une réorganisation du paysage de l’offre de soins. Or, actuellement, tous ces travaux n'ont pas abouti et le ministre donne l'impression qu’il veut imposer au corps médical quelque chose dans un contexte fragile. »

 

Les médecins ont déjà fait des efforts

Le Dr Bejjani rappelle que les médecins et les hôpitaux ont déjà fait des efforts sur les suppléments dans les chambres communes à deux lits, la limitation des tarifs dans l'imagerie hospitalière ambulatoire, la limitation des tarifs chez les BIM, etc. « En plus, il y a eu des propositions de limitations pour certaines pratiques dans le cadre d’une recherche de l’efficience (value-based) et cela doit être soutenu en attendant. Le ministre a aussi un problème de perception par rapport aux discours de certains interlocuteurs qui sont prêts à avancer. Rompre cette concertation déplacerait le débat devant la justice ou entre les partis et cela n’est certainement pas au bénéfice du patient. Nous avions, au niveau des médecins de l’ABSyM Bruxelles, fait des propositions sur le conventionnement partiel qui diminuent les critères du conventionnement complet, par exemple, en le limitant à 38 heures, pour que les médecins qui font plus d’heures puissent avoir une liberté tarifaire tout en soutenant le conventionnement d’une plus grande partie. Le ministre n’a peut-être pas eu le temps de pouvoir évaluer toutes les propositions. Pourtant, il doit écouter les différentes pistes qui vont permettre de revaloriser le travail du médecin conventionné (pour rendre le conventionnement attractif, revaloriser la prestation de base, soutenir des propositions constructives, etc.). »

 

Le temps des recours

« Aujourd’hui, si le ministre ne saisit pas l’occasion de revenir à la discussion, nous serons dans le temps politique. Si certains partis disent nous soutenir, il n’est pas certain qu’ils ne nous lâcheront pas pour ne pas faire tomber le gouvernement. Puis si la loi passe, il y aura le temps juridique avec des recours qu'on fera certainement, mais cela ne se fera pas sans dégâts. Je m'engage pour nos membres à aller en recours parce qu’il y a certainement une discrimination et une disproportionnalité. Il ne faut pas en arriver là. Le ministre doit redonner du temps à la concertation et modifier la perception s’il l’estime erronée. » Je rejoins là l'appel « à la modération » de Benoît Collin. Le ministre est au centre du modèle de la Sécu et il est lui-même le garant d'un modèle fondé sur la solidarité, modèle bâti sur la concertation, dans un pays connu pour son modèle du compromis. »

 

L’appel est lancé

« Monsieur le Ministre, revenez à la table de la discussion ! Vous ne voulez pas d’une grève générale, surtout si vos intentions sont mal perçues. »

 

Source : Le Spécialiste®

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